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Zahra






C'étaient les grandes vacances, comme j'étais heureuse ! Mes parents devaient m'emmener dans mon pays natal, là où se trouvent mes oncles et tantes. Il y a des dunes de sable partout paraît-il ! Comme j'avais hâte de partir ! Pour la première fois j'allais prendre l'avion. Mama m'avait dit avant de partir : « tu vas devenir une jeune femme bientôt, nous sommes fiers de t'emmener avec nous ». J'avais cinq ans.

L'avion ressemblait à un oiseau d'acier, il était magnifique. Mes yeux d'enfants brillaient en le regardant. Et dire que j'allais voler dans le ciel grâce à lui ! Vous imaginez un peu, j'étais si heureuse ! Mama m'avait laissée la place à côté du hublot, ainsi je pouvais regarder tous les beaux paysages : « Zahra, ma petite fleur » qu'elle m'appelait, maman. Car mon prénom voulait dire « fleur » en français. Elle l'avait choisie car j'étais un très joli bébé à la naissance. Moi, je ne m'en souviens pas, mais j'étais contente d'entendre d'aussi jolies choses.
Le voyage a duré très longtemps. J'ai dormi. Quand on a commencé à survoler le désert je pleurais de joie, c'était magique ! Toutes ces montagnes de sable. J'avais envie de poser mes pieds nus sur ces tapis dorés. Les dunes ondulaient à perte de vue jusqu'à ce qu'on arrive à l'aéroport.

Mon oncle Oko nous attendait. Nous sommes montés dans sa vieille voiture blanche pour arriver jusqu'à notre village. Tout le monde nous a accueilli avec le sourire. Je me sentais bien. Les gens avaient l'air heureux. Une fête devait avoir lieu demain, mes parents m'en avaient un peu parlé et moi, j'avais hâte de recevoir tous mes cadeaux de bienvenue. C'était si chaleureux.
Le soir les femmes préparaient le café, j'aimais bien les regarder. Mon père s'amusait avec les autres hommes du village. Je ne l'avais jamais vu autant rire. Mama, elle, parlait peu. Elle aidait les autres femmes sans dire un mot. Nous avons tous mangé au coin d'un feu. À la fin du repas les hommes ont dansé, pendant que les femmes les regardaient tranquilles. Moi, j'observais les étoiles, elles ne brillaient pas autant que d'habitude, chez moi en France, le ciel était gris.

Quand la nuit est tombée Mama m'a dit d'aller me coucher. Elle m'a accompagnée dans la hutte. Je me suis allongée sur des feuillages. C'était moins confortable que mon lit, mais j'aimais bien ce contact avec la nature. Et puis Mama m'avait dit que je retrouverai mon lit très bientôt. Je me suis endormie la tête pleine de beaux rêves.

Oko est venu me chercher le lendemain. Je pensais que c'était pour la fête, celle dont on m'avait parlé la veille. J'étais impatiente de voir ce que le village avait organisé en mon honneur. Je ne méritais pas tant d'attention. Oko m'a amenée dans une autre maison, une femme m'attendait. Elle avait une lame aiguisée dans la main. Il n'y avait personne d'autre. Oko m'a dit que la fête se déroulerait après, que je ne devais pas avoir peur. Je devais obéir à la dame. Alors je me suis assise à côté de la femme. Elle m'a dit que ça irait vite, que toutes les femmes du village étaient passées par là, que c'était normal. Ainsi je pourrai trouver un mari, sinon aucun homme ne voudrait de moi. Les filles devaient être pures avant de se marier. J'avais cinq ans, je ne comprenais pas tout ce qu'elle me racontait.
Je n'ai pas cherché à me défendre. Je voulais que mes parents soient fiers de moi. Je ne disais rien. J'avais peur, ma gorge était nouée. La femme au couteau m'a dit de m'allonger sur les paillasses. J'ai fermé les yeux. Je ne voulais pas regarder. Mon cœur battait très fort. Où étaient les cadeaux que Mama m'avait promis ? Et cette fête ?

J'ai entendu la voix de Mama, il y avait une autre femme avec elle. Elles ont plaqué mes bras au sol pour pas que je les bouge. J'aurais voulu m'échapper. Je n'en avais pas la force. Mes bras étaient prisonniers. Moi qui aimait tant la liberté, moi qui aimait courir dans les ruelles de ma cité, moi qui aimait danser sur les musiques joyeuses de l'école, moi qui rêvait de devenir institutrice, moi qui... J'ai ressenti une horrible douleur là. Mon zizi me faisait mal ! Je leur criais d'arrêter ! Mon corps était parcouru de soubresauts que je ne contrôlais pas. Ils arrachaient une partie de moi, un peu de ma chair. J'ai senti le couteau traverser cet endroit du corps dont on ne parlait jamais à la maison. Mama me disait que c'était sale, qu'il servait à faire pipi et rien d'autre. Je pleurais tellement. Je pensais que j'allais mourir. J'ai ouvert les yeux, il y avait du sang partout. La femme au couteau m'essuya avec une éponge humide. Puis elle prit une aiguille et commença à coudre mon zizi. Je souffrais encore, je criais moins mais, les larmes s'arrachaient de mes yeux comme des lames de verre. Tout mon être saignait.
À la fin l'horrible femme a versé de la cendre brûlante sur la partie de mon corps souillée. Là je n'ai pas pu me retenir, j'ai hurlé de toutes mes forces. Je n'en pouvais plus. Je ne contrôlais plus mes sanglots, je pleurais, je pleurais, je pleurais... Je voulais m'endormir, fermer mes yeux, ne plus rien voir, ne plus rien ressentir.

Quand tout fut terminé Mama m'a dit de me reposer, qu'il y aurait une fête dans la soirée. Moi, je n'avais plus envie de jouer. Je ne jouerai plus jamais comme les autres enfants. Une partie de moi était morte à jamais.



A.L août 2009

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