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"L’Homme assis dans le couloir", Marguerite Duras

 L'Homme assis dans le couloir, Marguerite duras




« L’homme aurait été assis dans l’ombre du couloir face à la porte ouverte du dehors. Il regarde une femme qui est couchée à quelques mètres de lui sur un chemin de pierre. Autour d’eux il y a un jardin qui tombe dans une déclivité brutale sur une plaine, de larges vallonnements sans arbres, des champs qui bordent un fleuve. Après, très loin, et jusqu’à l’horizon, il y a un espace indécis, une immensité toujours brumeuse qui pourrait être celle de la mer »

C’est ainsi que commence le texte de Marguerite Duras, un homme assis dans le couloir observe la femme qu’il désire, « elle est enfermée » sous « les paupières » de celui qui la veut. Elle sait ce qu’elle provoque en lui. Le conditionnel de la première phrase laisse planer le doute.

Est-ce une fiction ? Le présent qui suit semble prouver le contraire. Le réel vécu devient fiction et la fiction devient réelle.

Marguerite Duras observe la scène, elle utilise le pronom personnel « je » en tant qu'observatrice, mais c'est elle qui fait partie du récit, c'est le pronom "elle" qui est utilisé pour décrire la relation physique. Elle raconte l’histoire de cette femme et, cette femme c’est elle.

Elle y parle de sexe, de violence, de souffrance, d’une expérience limite où l’identité elle-même se dissout dans l’alliance des corps.

C’est une nouvelle érotique pleine de poésie. Duras parvient à raconter avec beaucoup de délicatesse l’animalité qui sommeille en chacun de nous.

Une animalité parfois tendre, parfois brutale où la douleur fait partie du jeu .

Duras parle d’amour, de désir, de pulsion de mort, de pulsion de vie… Elle parle du désir de l’homme ébloui par la femme, elle parle du désir de la femme attirée par l’ombre masculine.

Ce texte peu connu est à découvrir ne serait-ce que pour la beauté de l’écriture.


Extrait :

Le soleil aurait été sur lui jusqu'à la ceinture. Je vois sa forme dans le couloir, elle est dans l'ombre, sans presque de couleurs. Sa tête est tombée sur le dossier du fauteuil. Je vois qu'il est exténué d'amour et de désir, qu'il est d'une extraordinaire pâleur et que son cœur bat à la surface de son corps. Je vois qu'il tremble. Je vois ce qu'il ne regarde pas et qui cependant se devine et se voit face au couloir, ces vallonnements si beaux avant le fleuve et cette immensité mauve toujours noyée de brume qui devrait être celle de la mer. La nudité de la plaine, la direction de la pluie devrait être celle de la mer. Et cet amour si fort. Je le sais, de cet amour si fort. La mer est ce que je ne vois pas. Je sais qu'elle est là au-delà du visible de l'homme et de la femme.









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